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Synthése de l'étude anthropologique
de la fouille simultanée
Service
régional de l'archéologie
Létude
anthropologique et pathologique des sept individus de
la sépulture multiple (ou simultanée)
de Chevreaux nous éclaire sur les moments dramatiques
vécus par les populations de la région
durant la guerre de Dix Ans.
La population inhumée
est composée dun enfant, dun grand
adolescent (15, 19 ans), de deux adultes de presque
25 ans, dun adulte de 30-35 ans et de deux adultes
plus âgés (entre 40 et 60, peut être
plus).
Tous les individus matures sont de sexe masculin, et
ladolescent, même si sa croissance osseuse
est inachevée, semble être du même
sexe également. Lidentité sexuelle
de lenfant est indéterminable du fait de
son jeune âge.
Tous (à part lenfant) semblent porteurs
de pathologies congénitales (luxation
de la hanche de lindividu 1 par exemple) ou
traumatiques (fractures en baïonnette :
Ind.5 et 6, côtes cassée ). Ils présentent
également de nombreuses carences alimentaires,
ce qui a occasionné des problèmes de croissance
(périostoses de Ind.4, encoches de scmhorl pour
Ind.5 et 6 et ankylose vertébrale en résultant
pour Ind.5 ). On observe de certains dentre eux
sont porteurs de marqueurs dactivités témoignant
de gestes répétitifs. Les caries et les
pertes dentaires ante mortem sont nombreuses, touchant
majoritairement les molaires. Certains individu nont
plus aucune dent (Ind.5). Il sagit vraisemblablement
dune population pauvre, aux conditions de vies
très rudes. Lalimentation était
carencée et déséquilibrée
(ce qui nest guère étonnant pour
cette époque où les famines étant
récurrentes).
Il sagit également de déterminer
les conditions de décès de ces personnes,
famine, épidémie, massacre ? Certains
de ces individus portent des traces de violence :
Lindividu 2 a reçu un violent coup sur
le crâne qui a fait sauté un fragment de
calotte crânienne ; Lindividu 5 a reçu
un coup darme de type « hachette »
sur le crâne ; lindividu 6 a reçu
une balle de face, dans lépaule droite.
Il semble donc bien que ces individus aient été
assassinés.
Aucunes
traces nont été décelées
sur les autres individus mais létat de
conservation et lécrasement subi par les
ossements dans la sépulture (poids des pierres)
rendent difficile lobservation. Dautre
part, certaines façons de donner la mort ne laissent
pas de traces (létranglement, par exemple,
ou des blessures portées à labdomen
aux organes vitaux).
Lhypothèse
de personnes porteuses de la peste nest pas recevable,
à cause des traces de violences de proximité
(un coup de hachette nécessite de sapprocher
de la victime, ce que personne naurait osé
faire si les individus avaient été malades
(la peste ravageant la région était bubonique,
donc clairement visible). Dautre part, des individus
décédés de la peste nauraient
pas été inhumés avec un tel soin :
la sépulture, bien orientée Est-Ouest,
a été creusée soigneusement, la
fosse nest pas très profonde (on ne craignait
donc pas particulièrement la contagion) et se
trouve au milieu de la cour du château.
Des pestiférés
auraient été emportés plus loin
des habitations, si tant est quil restait grand
nombre dhabitants à Chevreaux à
ce moment là.
On remarque que
les corps ont été déposées
avec soin, allongés sur le dos, de façon
à ce quils prennent le moins de place possible,
et surtout ils ont été déposés
dans la fosse « à la main » :
les fossoyeurs qui ramassaient les cadavres de pestiférés
utilisaient généralement de longues perches
avec des crochets, ils tiraient les corps et les traînaient
sans ménagement, les jetant pêle-mêle
dans ce quon pouvait vraiment considérer
comme une fosse commune : un charnier, plein de
corps mêlés, sans organisation.
Les
individus ont très probablement été
tués dans le château, ils ont du
être enterrés sur place, et certainement
dans un état de décomposition avancés
(voir les membres démis lors de linhumation),peut
être 6 à 8 jours après leur décès,
peut être plus. Le fait également quils
aient été inhumés avec leur vêtements,
et surtout 11 pièces de monnaies dans une période
dextrême pauvreté laisse à
penser que les corps étaient déjà
très dégradés lors quon les
a retrouvés et quon les a inhumé
pour éviter les risques de contagion par les
miasmes de pourrissement.
Quelle était lidentité des assaillants
et des victimes ? On peut supposer quil sagit
de troupes militaires prenant une place et massacrant
les gens du village sy trouvant. Ces derniers
ont par contre été clairement inhumés
avec soin, probablement par des gens de leur propre
communauté. Sagirait-il dune même
famille ? Labsence de femmes pose alors un
problème. On a décelé plusieurs
traces de consanguinité (certaines pathologies
congénitales) qui laissent à penser quil
sagit dune population plus ou moins autarcique,
en tout cas pas des guerriers (voir les pathologies !)
ni des étrangers au lieu.
Une autre question se pose : parmi les sept individus,
un enfant et six hommes très invalidés.
Où sont donc les femmes ? Et les hommes
valides ? Il y a peu de chance que les troupes
aient emmenées les femmes avec elles, elles auraient
pu par contre enrôler les hommes valides et tuer
les inutiles. A moins que les gens valides aient pris
la fuite devant larrivée dune troupe,
abandonnant derrière eux les individus susceptibles
de les ralentir.
Il sera très difficile de privilégier
une hypothèse plutôt quune autre.